Imaginaires océaniques : échos et prolongements

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En avril 2024, l’Institut d’études avancées de Nantes a hébergé l’atelier Imaginaires océaniques, co-organisé par Sophie Halart, ancienne Fellow et actuelle directrice adjointe de l’IEA, et Frantz Mynard, maître de conférences en droit à Nantes Université et directeur adjoint du Centre de Droit Maritime et Océanique (CDMO). Durant deux jours, l’atelier a réuni un groupe interdisciplinaire exceptionnel de participant.e.s pour explorer les multiples dimensions des océans. 

Alors que nous approchons du début de la Troisième Conférence des Nations Unies sur les Océans (Nice, 9–13 juin 2025), les réflexions menées lors de l’atelier résonnent fortement avec les préoccupations environnementales et sociétales urgentes de notre époque.

océan

Partant de l'accident tragique du submersible Titan en 2023, notre réflexion initiale rappelait les limites souvent oubliées de nos ambitions océaniques, exacerbées par la puissance technologique contemporaine. L’océan, par sa grandeur, sa pression et sa densité, demeure un rappel constant de notre nature fondamentalement terrestre, illustrant à la fois notre fascination et nos peurs ancestrales.

Inspirée par les travaux pionniers de figures comme Rachel Carson et Anita Conti, la thématique des « imaginaires océaniques » explore nos rapports ambivalents à l’océan : lieu d'origine de la vie, incarnation du sublime romantique, mais aussi espace menacé par l'exploitation humaine excessive. En cela, l’océan constitue autant un lieu d’émerveillement qu'un révélateur des crises actuelles. Comme l'écrit l’océanographe Sylvia Earle, depuis le milieu du XXe siècle, des centaines de millions de tonnes de faune marine ont disparu, tandis que des quantités équivalentes de déchets y ont été déversées.

Les discussions interdisciplinaires tenues lors de notre atelier ont permis d'ouvrir les concepts de « représentation », « ligne » et « limite » à de nouvelles polysémies porteuses d’enrichissements mutuels entre sciences humaines, sociales, économiques, et arts visuels et littéraires. Les intervenant.e.s invité.e.s à l’atelier provenaient d’horizons disciplinaires et professionnels très divers : droit maritime, économie, littérature et écocritique, défense, Histoire de l’art, hydrodiplomatie et arquéologie, entre autres.

L’ensemble des présentations que nous mettons en valeur constitue une première cartographie de ces « imaginaires océaniques », dont nous espérons prolonger la portée dans un volume collectif en préparation. Ce livre donnera l'occasion aux intervenants de développer et d'approfondir davantage les réflexions initiées lors de ces journées.

Nous tenons à remercier chaleureusement tous les participants pour leur précieuse contribution, ainsi que les équipes de l'Institut d’études avancées, du Centre de Droit Maritime et Océanique (CDMO), de l’École Nationale Supérieure Maritime (ENSM), du Lycée professionnel maritime Jacques Cassard, ainsi que le programme FIAS pour leur soutien indispensable.

Que ces explorations continuent de stimuler nos imaginaires, de nourrir notre curiosité interdisciplinaire et de renforcer nos engagements collectifs pour une meilleure compréhension et préservation des océans.

Sophie Halart et Frantz Mynard
Co-organisateurs de l’atelier « Imaginaires océaniques »

intervenants

Retrouvez le programme de cet évènement

Conférence Inaugurale - Conversation autour des femmes navigatrices

Awa Sam, Cheffe de Département de la filière Génie Maritime de l’École Normale Supérieure Maritime de Nantes
Isabelle Autissier, Navigatrice française et présidente d'honneur du WWF-France
Barbara Clerc, Officier
Maëlle Giraud, Officier polyvalent à l'IFREMER

Awa Sam

Trois femmes de mer — Isabelle Autissier, Barbara Clerc et Maëlle Giraud — ont ouvert l’atelier Imaginaires océaniques par un échange riche en récits et en engagements. Sous la modération d’Awa Sam, elles ont partagé leurs parcours singuliers et leur lien intime avec l’océan, entre navigation, écologie et transmission. De la conscience des bouleversements invisibles à la nécessité d’une écoute scientifique et intergénérationnelle, leur dialogue a esquissé une mer vécue, sensible et inquiète, au cœur des urgences de notre époque.

Flux et reflux: perspectives océaniques sur la théorie de l’art

Sophie Halart, Professeur d’Histoire de l’Art à l’Universidad Católica de Chile, Résidente FIAS / IEA de Nantes 2022/2023

Sophie Halart

Face à l’urgence écologique et aux impasses d’une histoire de l’art fondée sur des principes de stabilité, de clarté et d’extériorité, Sophie Halart propose un renversement de perspective : penser l’histoire de l’art depuis l’océan. À travers une approche nourrie des Humanités environnementales et décoloniales, elle invite à délaisser les fondations terrestres de la discipline au profit d’une épistémologie fluide, relationnelle et immergée. Cette « tonalité bleue » ouvre la voie à une histoire de l’art sensible aux récits submergés, aux formes instables, et aux mémoires traumatiques du monde atlantique.

Romancer les lagune, les mers et les océans: est-ce en devenir spécialiste ?

Sigolène Vinson, écrivain

Sigolene Vinson

À travers une parole littéraire sensible et engagée, Sigolène Vinson explore les océans comme espaces d’inspiration, de mémoire et de défi. Elle revient ici sur son rapport intime à la mer, ses symboliques profondes et les récits qu’elle génère - entre fiction, poésie et écologie. 

Spongilla lacustris et le Râble 10 : une nouvelle communauté patrimoniale

Virginie Serna, Archéologue, Conservateur général du patrimoine au Ministère de la Culture

Virginie Serna

À travers l’épave du chaland de Langeais, Virginie Serna propose une relecture sensible et plurielle des vestiges subaquatiques. Entre débris, archive et niche écologique, l’objet patrimonial immergé devient révélateur des dynamiques fluviales et des tensions entre oubli et mémoire. Cette approche, à la croisée de l’archéologie, de l’écologie et de l’imaginaire, rejoint les réflexions portées par le Parlement de Loire autour d’une nouvelle façon de penser les entités naturelles.

Un tournant océanique en écocritique pour bleuir nos représentations et nos imaginaires

Béné Meillon, Professeure des Universités en Littérature et Culture d’Amérique du Nord, Université d’Angers

Bene Meillon

Avec le programme Sea More Blue, Béné Meillon engage un tournant océanique de l’écopoétique. Face à un imaginaire écologique encore majoritairement terrestre, elle invite à bleuir nos représentations en explorant les mondes marins à travers littérature, arts et sciences. Portée par les humanités bleues, son approche transdisciplinaire ouvre un espace sensible et critique pour repenser nos liens avec l’Océan, ses écosystèmes et ses mythes, dans une perspective renouvelée de cohabitation et de responsabilité.

Les lignes de force de l’Hydrodiplomatie

Fadi Comair, Directeur du Centre de Recherche Energy, Environment, Water, Cyprus Institute, Chair de l’Intergovernmental Hydrological Programme de l’UNESCO

Fadi Comair

Le professeur Fadi Comair défend une vision stratégique de l’hydrodiplomatie, conçue comme outil de gouvernance transnationale face aux tensions croissantes autour de l’eau au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. À travers des exemples emblématiques de conflits hydriques, il plaide pour une coopération régionale fondée sur le dialogue, la science et le droit international, et intégrée au Nexus Eau-Énergie-Alimentation. L’eau, bien commun par excellence, doit devenir un levier de paix durable.

Lignes de défenses et trajectoires intermodales : Logistique de la campagne d’Afghanistan

Général Jacquement, Chef d’état-major

General Jacquement

Le général (2S) Jean-Luc Jacquement propose une analyse stratégique des lignes de défense et des flux logistiques intermodaux, essentiels dans un contexte globalisé marqué par des contraintes géographiques, juridiques et cybernétiques. Illustrant ses propos par les opérations en Afghanistan et au Sahel, il met en lumière l’importance cruciale des infrastructures, détroits et corridors dans la conduite des opérations militaires contemporaines.