Une nouvelle direction scientifique à l’Institut.
14 septembre 2022
Nouvelle

Une nouvelle direction scientifique à l’Institut.

Après une année en tant que Directeur adjoint, Luis Mora Rodriguez devient Directeur et sera accompagné de Pierre Étienne Kenfack en tant que Directeur adjoint. Tous deux sont d’anciens résidents de l’Institut. Voici quelques questions / réponses pour mieux les connaître.

 


 

⦿ Luís Mora Rodríguez, Directeur de l’IEA de Nantes 2022-2023

 

Après un an de direction adjointe dans la Direction collégiale 2021-2022, vous prenez la fonction de Directeur de l’IEA de Nantes pour 2022-2023. Qu’est-ce que l’IEA de Nantes pour vous, en tant qu’ancien résident et en tant que Directeur aujourd’hui ?

L’IEA représente pour moi beaucoup de choses. C’est d’abord la découverte de la ville de Nantes mais aussi la découverte du monde. C’est ici que, pour la première fois, j’ai pu vivre et travailler avec des collègues d’Inde, d’Afrique, de Russie et de Chine. L’expérience en tant que résident m’a fait découvrir l’esprit de partage, de dialogue et d’écoute qui devrait toujours nourrir le travail scientifique et la collaboration académique. J’ai pu mettre en perspective mes travaux de recherche, très situés dans le cadre philosophique de l’Amérique Latine, avec ceux de collègues d’autres parties du monde qui envisageaient des questionnements similaires à partir d’autres fondements historiques et théoriques. L’enrichissement mutuel m’a permis d’ouvrir l’horizon de mes interrogations et d’explorer de nouvelles pistes pour mes recherches, notamment en m’interrogeant sur l’héritage africain dans la philosophie latino-américaine.

Par la suite, en tant qu’ancien résident, j’ai pu également faire partie du Conseil d’administration du Réseau Français des Instituts d’Études Avancées (RFIEA), ce qui m’a permis d’avoir une vision globale du développement de ces instituts en France, d’observer leurs points forts, les défis auxquels ils devaient faire face, leurs liens avec les territoires et avec l’international.

Mon ambition en tant que Directeur est de recentrer l’IEA sur ce qui fait sa force et son caractère unique, c’est à dire un accueil de grande qualité, et de garantir les conditions d’un dialogue respectueux entre tous, tant du point de vue des activités scientifiques que de la vie quotidienne.

Bien sûr, je souhaite aussi améliorer encore l’ancrage de l’IEA dans son environnement immédiat en travaillant avec les structures et les personnes dont le métier est d’animer la vie intellectuelle et culturelle de la région de Nantes, qui est pleine de richesses. Projections de films et de documentaires, rencontres intellectuelles et littéraires, expositions... la vie scientifique de l’IEA peut s’exprimer de multiples manières en interaction avec Nantes université, le lieu unique, le Cinématographe, le Festival des 3 Continents ou encore la Maison Julien Gracq. C’est pour cette raison que le renforcement du pôle scientifique est une priorité pour moi : il s’agit de tisser des collaborations entre la formidable diversité scientifique présente à l’IEA, incarnée par les fellows, et les préoccupations culturelles, scientifiques, écologiques... des acteurs locaux.

La crise climatique, l’injustice sociale, la montée des menaces contre la libre pensée sont des défis complexes qui n’ont pas de réponses toutes faites et immédiates. La mission principale de l’IEA est justement d’offrir du temps et des conditions matérielles pour faire ralentir la course du temps, et permettre à l’inattendu de surgir : penser l’avenir de la ville, du travail, de l’industrie, de notre rapport à l’environnement, imaginer des solutions nouvelles nées de l’échange et de la discussion....  Les bâtiments de l’allée Jacques Berque sont des lieux d’exception où le fleuve s’offre. Le regard se dégage, les terrasses accueillent les temps de discussion ; les bureaux, la bibliothèque, les espaces de restauration sont éclairés de lumière naturelle pour accompagner l’échange, la conversation. Ce retour à la « conjonction », comme dirait le philosophe italien Franco Berardi, permet de renouer avec notre dimension humaine, dans la différence. C’est cet esprit du vivre ensemble que je voudrais voir s’incarner dans l’accueil des fellows cette année, non seulement pour "penser le monde autrement", mais aussi "pour habiter ce monde autrement".

De quelle manière envisagez-vous de poursuivre le travail engagé l’année passée ?

L’année dernière a permis de mettre en place beaucoup de choses, de nouveaux projets, des collaborations plus étroites avec des partenaires locaux ou internationaux. Je voudrais faire fructifier ces développements et poursuivre sur ces voies. Tout en favorisant un meilleur ancrage de l’IEA dans son environnement, je souhaite bâtir des ponts avec d’autres institutions à l’échelle de l’Europe, de l’Afrique et de l’Amérique Latine, notamment en développant un soutien actif à la recherche émergente.

J’aimerais aussi approfondir la coopération avec les acteurs économiques du territoire, car je suis persuadé que c’est en réfléchissant ensemble, de manière complémentaire et décloisonnée, que les réponses aux grands défis sociétaux, notamment liés à l’écologie, peuvent être élaborées.

Enfin, le travail de coopération avec le réseau RFIEA est également primordial pour consolider les acquis des Instituts d’études avancées en France comme acteurs majeurs de la recherche et de l’internationalisation.

Quels seront les rendez-vous scientifiques importants de cette année 2022-2023 ?

Dès octobre et novembre, nous aurons plusieurs événements très importants. La poursuite des séminaires d’anciens fellows, comme celui de Danouta Liberski sur les rapports à la terre et de Pierre Musso sur l’industrialité, sont deux moments majeurs de cette année, car ils mobilisent d’anciens et de nouveaux fellows, ainsi que plusieurs acteurs du territoire. Ces deux séminaires s’articulent étroitement avec l’axe de réflexion central de l’IEA qu’est la notion d’écoumène.

Il faut mentionner aussi la reprise, après deux ans de pandémie, des activités du réseau IEARN qui mobilise des chercheurs indiens et européens. Cette année, il s’ouvrira aussi aux chercheurs africains avec un premier atelier qui se tiendra en décembre autour des rapports entre l’Afrique et l’Inde.

En janvier, nous accueillerons un artiste - qui est actuellement en cours de sélection - dans le cadre de la chaire artistique internationale “Arts, sociétés et mutations contemporaines” co-élaborée par l’IEA, Beaux-Arts Nantes Saint-Nanzaire, le lieu unique et Nantes métropole. Cet artiste rejoindra la promotion 2022-2023 pour 6 mois et je me réjouis d’imaginer tous les croisements fertiles qui naîtront de cette proximité.

Enfin, le printemps sera la période de développement des ateliers organisés par les fellows de cette promotion qui viendront compléter la série d’activités scientifiques qui font la force de l’IEA.


 

⦿ Pierre-Étienne Kenfack, Directeur adjoint de l’IEA de Nantes 2022-2023

 

Vous rejoignez cette année la Direction collégiale de l’Institut en tant que Directeur adjoint. Pouvez-vous nous dire ce qu’a représenté l’IEA pour vous lorsque vous étiez résident ?

Lorsque j’ai séjourné à l’IEA de Nantes pour le compte de l’année 2016-2017, j’étais loin d’imaginer que le chercheur encore ému par sa sélection et son accueil, allait plus tard être honoré par une nomination dans le staff manageriel de ce prestigieux institut. L’émotion ayant été absorbée par le séjour et les années qui ont passé, je peux donner quelques éléments de ce que l’IEA de Nantes a représenté pour le résident que j’ai été. Je résume par cette phrase : L’IEA de Nantes a constitué pour moi à la fois : une vitrine de reconnaissance des efforts jusque-là fournis par le chercheur sélectionné, un cadre inattendu et inhabituel de réflexion et de remise en cause et un lieu inestimable de rencontre et de construction de la carrière universitaire.

Vitrine de reconnaissance, l’IEA l’a été parce que, j’avais réalisé un certain nombre de travaux, participé à un certain nombre de rencontres scientifiques, avec des productions, mais j’avais besoin d’être reconnu par une communauté scientifique hors de mon espace habituel de travail, par un lieu d’excellence, et ma sélection m’a rassuré et encouragé à poursuivre mes efforts. J’ignore si c’est une coïncidence, mais c’est à l’occasion de mon séjour à l’Institut que j’ai obtenu ma première sélection comme Professeur invité à l’Ecole de droit de la Sorbonne.

Cadre inattendu et inhabituel de réflexion et de remise en cause, l’IEA de Nantes m’a donné l’occasion d’accéder à des ressources documentaires souhaitées, m’a offert un cadre de travail et de séjour suffisamment confortable pour mener une réflexion libre et dépouillée de toute contrainte. Environnement de liberté et de coopération scientifique, l’Institut m’a permis de mener un projet personnel enrichi par les échanges avec des Fellows issus d’autres disciplines scientifiques. J’ai pu ainsi mieux interroger les méthodes de ma propre science par confrontation avec celles d’autres sciences. J’ai pu mesurer la complémentarité entre les sciences et compris le respect que chaque chercheur doit à chaque science qui structure et construit le Monde.

Lieu inestimable de rencontre et de construction de la carrière universitaire, l’Institut l’a été pour moi parce que j’ai fait la rencontre de plusieurs fellows avec lesquels je partage d’importants projets scientifiques dans le Monde. L’Institut m’a donné l’occasion de faire la rencontre physique de plusieurs chercheurs mondiaux que je ne connaissais qu’à travers leurs œuvres.

Comment envisagez-vous d’initier votre mandat de Directeur adjoint ?

C’est une fierté incroyable et une immense responsabilité de passer du statut de résident à celui de Directeur adjoint de l’IEA et j’ai hâte d’en prendre la mesure et de relever ce nouveau défi..

J’ai la chance de commencer mon mandat comme adjoint d’un Directeur qui a déjà une bonne expérience, Luis Mora Rodriguez, et je compte sur lui pour me faire comprendre les subtilités du fonctionnement de l’Institut. Pendant les auditions de sélection, j’ai rencontré des membres des pôles scientifique et administratif qui m’ont permis de comprendre que la tâche s’annonce difficile, mais pas insurmontable. Je compte également sur leur accompagnement.

Ancien Fellow, je ne découvre pas les locaux et les lieux d’activités sur place à Nantes et c’est un atout important de démarrage. Un autre atout est la connaissance de certains membres du staff dont j’ai bénéficié de l’accompagnement en tant que Fellow. Je compte sur leur expérience dans un registre différent. 

Pour le travail lui-même, je continue à bien m’imprégner du projet scientifique de l’Institut et des modalités de sa mise en œuvre pour mieux contribuer à son implémentation.  Je suis heureux de recevoir des informations sur les différents pôles et leur articulation ; elles vont me permettre de bien comprendre le fonctionnement de l’organisation. Une fois ces éléments bien assimilés, je compte mettre à contribution mon expérience de chercheur, et d’ancien chef d’institution universitaire pour faciliter l’activité des Fellows et bien collaborer à l’atteinte des objectifs de l’IEA de Nantes. Je compte être à l’écoute à l’accompagnement des Fellows tout en gardant mon propre jugement. Si cela s’avère nécessaire, je compte mettre à contribution ma connaissance des « Suds » pour aider à l’amélioration, au besoin, du projet scientifique. Au plan institutionnel, j’espère être un partenaire supportable par les partenaires de l’Institut, et mes efforts, dans ce sens, seront constants.

Je termine par un souhait. Que tous les membres du staff m’accueillent et n’hésitent pas à me prodiguer des conseils utiles pour la poursuite de la construction de cette œuvre universelle, entamée par de prestigieux devanciers et portée par l’IEA de Nantes.