Résidents

Raffaele CARBONE

Professeur associé d’histoire de la philosophie au « Dipartimento di Studi Umanistici » de l’Université Federico II de Naples et directeur. Théorie critique, pensée décoloniale et généalogie de la modernité.

Période de résidence : Janvier 2023 à juin 2023

Discipline(s) : Philosophie

Pays : Italie

FELLOW FOCUS

La face cachée de la modernité : un aller-retour entre théorie critique et pensée décoloniale

Au cours de ces deux premières décennies du nouveau siècle, certains philosophes se sont penchés sur les idées et les ambitions qui animaient le projet originaire d’une Théorie critique de la société et ont essayé de reformuler et de renouveler ce corpus théorique en fonction des exigences de notre temps. Une piste de recherche intéressante est ouverte par Amy Allen et Rocío Zambrana : c’est l’approche décoloniale de la théorie critique. Amy Allen met en évidence les limites de la théorie critique francfortoise du fait qu’elle épouse les contours des stratégies euro-centriques pour fonder la normativité. Se réclamant des travaux des decolonial thinkers, Rocío Zambrana remet en question l’hypothèse selon laquelle la rationalité prend appui sur une logique homogène et la modernité peut être comprise comme un développement unique et cohérent ; ainsi elle remarque que les critiques de la modernité élaborées au sein de la tradition libérale et celles de la tradition marxiste adoptent une perspective euro-centrique. En effet, selon les penseurs décoloniaux (Dussel, Quijano, Mignolo, Castro-Gómez, etc.), ces critiques de la modernité n’ont pas vraiment remis en cause l’horizon colonial de compréhension à partir duquel se sont constitués les subjectivités ainsi que l’imaginaire et les narrations dominantes des temps modernes. Ainsi, en cette année du centenaire de la création de l’Institut für Sozialforschung (1923) et du cinquantenaire de la mort de Max Horkheimer (1973), les défis, les contradictions et les pathologies de notre temps nous poussent à revenir sur le projet de la Théorie critique des années 1930 et 1940 pour renouveler son analyse du potentiel régressif de la modernité, établir le rôle de la critique face à la vitalité du capitalisme contemporain, nous interroger sur le rapport entre la première École de Francfort et le passé colonial de l’Europe et mettre la pensée critique à l’épreuve de la pensée décoloniale.

Un titre de livre : Marguerite Yourcenar, L’Œuvre au noir (1968)

Un titre de film : Memoria (réalisé par Apichatpong Weerasethakul, 2021)

« Ever since being startled by a loud ‘bang’ at daybreak, Jessica (Tilda Swinton) is unable to sleep. In Bogotá to visit her sister, she befriends Agnes (Jeanne Balibar), an archaeologist studying human remains discovered within a tunnel under construction. Jessica travels to see Agnes at the excavation site. In a small town nearby, she encounters a fish scaler, Hernan (Elkin Diaz). They share memories by the river. As the day comes to a close, Jessica is awakened to a sense of clarity »

Projet de recherche : Théorie critique, pensée décoloniale et généalogie de la modernité.

Au cours des deux premières décennies du nouveau siècle, de nombreux chercheurs se sont penchés sur le projet d’une Théorie critique de la société élaboré par Horkheimer (1895-1973) et ses collègues de l’Institut für Sozialforschung à Francfort-sur-le-Main. Ils ont essayé de reformuler et de renouveler ce corpus théorique en fonction des exigences de notre époque. Les débats contemporains nous amènent à repenser systématiquement le projet initial de la Théorie Critique et – à cause de son mouvement constant et de son lien à l’expérience – à la mettre à l’épreuve des défis spécifiques de notre temps. C’est dans cette optique que nous voudrions reconstruire le projet horkheimerien des années 30 et 40, l’examiner dans une perspective historico-philologique et faire face aux objections qui lui ont été adressées par les penseurs décoloniaux. Force est alors de se demander : dans quel sens une perspective décoloniale exigerait-elle que le travail des penseurs européens en général, et des théoriciens critiques de la première génération en particulier, soit substitué, complété ou transformé par des perspectives non-européennes ? Laquelle de ces alternatives serait-t-elle la plus appropriée pour repenser d’une manière non-eurocentrique la critique féroce de la modernité et de la rationalité développée par Horkheimer et ses collègues ?

Biographie

Raffaele Carbone est professeur associé d’histoire de la philosophie au « Dipartimento di Studi Umanistici » de l’Université Federico II de Naples et directeur de programme au Collège International de Philosophie à Paris. Il a dirigé le projet « Modern Philosophy and Critical Theory in the Early Frankfurt School » (2019-2021) à l’Université Federico II de Naples. Il a été « fellow » à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (grâce à une bourse de recherche de la Mairie de Paris), professeur adjoint à l’Université Paul Valéry-Montpellier 3 et chercheur invité au Collegium de Lyon, au Centre Marc Bloch de Berlin et à la Fondation Maison des Sciences de l’Homme (Paris). Ses recherches portent sur la philosophie moderne (Montaigne, Malebranche, Spinoza), sur la réception des penseurs modernes au 20e siècle et sur la première École de Francfort (notamment Horkheimer).

Bibliographie

• “Les intermittences du religieux chez les peuples amérindiens dans l’Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil”, in Le Verger, Bouquet XXV: L’Histoire d’un voyage faict en la terre du Bresil de Jean de Léry, edited by Augustin Lesage and Lisa Pochmalicki, 2022, p. 1-12, http://cornucopia16.com/blog/2023/01/06/raffaele-carbone-les-intermittences-du-religieux-chez-les-peuples-amerindiens-dans-lhistoire-dun-voyage-faict-en-la-terre-du-bresil/

• “Formes de vie et dynamique historique chez Max Horkheimer”, in Archives de Philosophie, Special issue directed by Estelle Ferrarese, Vol. 85, No. 2, 2022, pp. 45-60.

• “L’âge bourgeois et la philosophie moderne: Horkheimer lecteur de Descartes et Spinoza”, in Lectures contemporaines de la philosophie moderne, edited by Éric Marquer and Paul Rateau, Paris: Publications de la Sorbonne, 2022, p. 41-60.

• Modernità e critica/Modernity and Critique/Modernité et critique, edited by Raffaele Carbone, Naples: La Città del Sole, “Crisis and Critique” Series, 2022.

 • “Critique of Forms of Life and Critique of Modernity: From Jaeggi to Horkheimer”, in Modernità e critica/Modernity and Critique/Modernité et critique, edited by Raffaele Carbone, Naples: La Città del Sole, “Crisis and Critique” Series, 2022, p. 435-459.

• Genealogie filosofiche dell’identità moderna: tra biologia, etica e politica / Philosophical Genealogies of Modern Identity: Between Biology, Ethics and Politics, edited by Raffaele Carbone and Francesco Toto, in Paradigmi. Rivista di Critica Filosofica, vol. 40, n° 3, 2022, pp. 359-518.

• “‘Des cannibales’ et les différentes significations du concept de raison chez Montaigne”, in Modernos & Contemporâneos: International Journal of Philosophy, Vol. 5, No. 11, 2021, p. 4-20, https://www.ifch.unicamp.br/ojs/index.php/modernoscontemporaneos/article/view/4464

• “Società borghese, umanesimo e teoria critica nella prospettiva di Max Horkheimer”, in Archivio di Storia della Cultura, Vol. 33, 2020, p. 245-272.

• “Differences, Migration, and Cultural Exchange in Vico”, in Philological Encounters, Vol. 5, No. 1, 2020, p. 25-49.

• “Horkheimer and the Criticism of Culture”, in EdA: Esempi di architettura, Special Issue, 2019, p. 65-73.

• “Montaigne und die kulturelle Differenz. Ein Parcours durch den Mittelmeerraum und die italienischen Städte”, in Fluchtpunkt. Das Mittelmeer und die europäische Krise, edited by Franck Hofmann, Markus Messling, Berlin: Kulturverlag Kadmos, 2017, p. 191-208.