Solidarité et travail: quelles perspectives pour la Grèce?
05 mai 2015
Nouvelle

Solidarité et travail: quelles perspectives pour la Grèce?

Discussion entre Alain Supiot et Emilios Christodoulidis - Le 17 mai 2015


Alain Supiot
et Emilios Christodoulidis discutent des questions de la solidarité et de la protection du travail en Grèce.





Emilios Christodoulidis: Alain, merci de me rejoindre dans ce débat concernant les questions urgentes auxquelles la Grèce fait face aujourd’hui, en particulier celles liées à la solidarité et à la protection du travail.

On répète souvent que la Grèce est désormais à court d’options, et malheureusement il apparaît clairement que la «négociation» de son avenir avec ses partenaires s’enlise. La position rigide que tient l’UE dans sa confrontation avec le mandat démocratique de SYRIZA menace d’échec à la fois le projet européen de solidarité et la démocratie grecque. Je sais que vous êtes un philhellène et un observateur concerné par la situation : comment évaluez-vous les perspectives de solidarité et de démocratie dans notre «union toujours plus étroite» ?


Alain Supiot: La solidarité a connu depuis deux siècles une grande fortune dans le vocabulaire politique et sociologique, mais c’est depuis peu qu’elle a été consacrée comme principe général du droit par la Cour de justice, puis par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Bien sûr elle n’a pas à ce niveau la même intensité qu’à l’échelon national.

C’est à cet échelon que la solidarité s’est développée en Europe occidentale après la seconde guerre mondiale, sous la forme d’Etats providence ayant chacun sa physionomie propre. Le problème de l’Union européenne, comme l’a justement observé le sociologue allemand Fritz Scharpf, c’est qu’elle pousse au démantèlement de ces solidarités nationales sans être capable d’édifier une solidarité européenne. Ce cocktail ne peut être à terme que mortel pour le projet d’Union européenne, dont le renoncement à toute ambition sociale – et en particulier à l’objectif «d’égalisation dans le progrès» qui figure dans le Traité — ne peut que ruiner le peu de crédit et de légitimité politique qui lui reste.

Reconnaître qu’il y a des degrés de solidarité, permettrait de réarticuler les solidarités locale, nationale et continentale. Faute d’une telle articulation, l’Union européenne court le risque d’un éclatement entre des solidarités de combat, à base nationaliste, religieuse ou identitaire, alimentant le mépris des uns et le ressentiment des autres.

L’évidente malfaçon de la monnaie européenne appellerait par exemple des dispositifs – tels que le découplage de la monnaie de compte et de la monnaie de paiement – établissant des degrés de solidarité entre les Etats de l’Eurozone, au lieu de poursuivre le fantasme d’une imposition de la référence économique et monétaire allemande à toute l’Europe.


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