Publication de « Comprendre le Citizenship Amendment Act indien de 2019: processus, politique, protestations » par Hilal Ahmed dans Asie. visions, Notes de l’IFRI, n° 114, juin 2020.
01 juillet 2020
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Publication de « Comprendre le Citizenship Amendment Act indien de 2019: processus, politique, protestations » par Hilal Ahmed dans Asie. visions, Notes de l’IFRI, n° 114, juin 2020.

La nouvelle loi indienne sur la citoyenneté est un résultat du constitutionnalisme de l’Hindutva qui légitime la notion de victimisation du peuple hindou. Bien que l’opposition à cette loi fasse clairement entendre sa voix, elle reste fragmentée.
L’objectif de cet article est d’examiner en détail l’histoire du Citizenship Amendment Act (CAA) 2019, une loi adoptée par le Parlement indien qui offre la citoyenneté aux communautés religieuses non musulmanes de trois États à majorité musulmane (Pakistan, Bangladesh et Afghanistan). L’article envisage le CAA comme un phénomène politique et s’efforce d’identifier les dynamiques politiques qui y sont liées. Il pose trois séries de questions : a) Quel est le contexte historique / politique qui rend cette loi aussi controversée ? b) Quelles sont les questions juridico-techniques liées à cette loi et quelles en sont les implications politiques ? c) Quelle a été la réaction des différents groupes, en particulier des communautés musulmanes ? Quels sont leurs arguments et leurs positions ?
Cet article soutient que le CAA est un résultat du nouveau constitutionnalisme de l’Hindutva. Pour s’affirmer, cette politique s’appuie fortement sur les ambiguïtés juridico-techniques inhérentes au cadre de citoyenneté post-1980. La tendance à une centralisation et un contrôle de l’Etat plus fort dans la réglementation du système de citoyenneté transparaît non seulement dans le CAA, mais aussi dans le National Register of Citizens (Registre national des citoyens) et le National Population Register (registre national de la population). De ce point de vue, le CAA découle de la notion de New India, doctrine politique se fondant sur l’importance d’avoir des « responsive citizens ».
Deuxièmement, le CAA se concentre essentiellement sur le nouvel électorat Hindutva du BJP. Les non-musulmans venant d’Afghanistan, du Pakistan et du Bangladesh n’obtiendront pas la citoyenneté indienne dès leur arrivée. En effet, le gouvernement n’a pas encore défini le mécanisme qui permettra de déterminer le niveau de persécution religieuse subie, condition préalable à la citoyenneté en vertu des règles de 2015. En fait, rien ne garantit à ces migrants d’obtenir un jour la citoyenneté indienne. Cette ambiguïté technique est toutefois politiquement utile, en ce qu’elle permet aux forces de l’Hindutva de reformuler l’argument de la victimisation hindoue. En ce sens, la citoyenneté pour les personnes non-musulmanes de pays musulmans constitue un nouveau projet à long terme de l’Hindutva contemporain.
Troisièmement, l’opposition au CAA est également fragmentée. La classe politique ne cherche pas à remettre en question l’hégémonie de l’Hindutva. A l’exception de quelques partis, les groupes non-BJP ont eu du mal à s’associer directement aux manifestations anti-CAA. Par conséquent, la dynamique déclenchée par les manifestations anti-CAA dominées par les musulmans n’a pas pu être exploitée pour faire émerger une critique de l’hégémonie de l’Hindutva.
 
(Présentation de la note par l’éditeur)
 
La note est disponible en téléchargement sur le site de l’IFRI ici.