Discours d’Helga Nowotny, Présidente du Conseil Européen de la Recherche et Membre du Conseil d’Administration de l’IEA de Nantes 
(5ème anniversaire du ERC - Bruxelles, le 29.02.2012)
21 mars 2012
Nouvelle

Discours d’Helga Nowotny, Présidente du Conseil Européen de la Recherche et Membre du Conseil d’Administration de l’IEA de Nantes (5ème anniversaire du ERC - Bruxelles, le 29.02.2012)

 


Chers invités, Mesdames et Messieurs, Chers collègues,

0.
C’est avec grand plaisir que je me tiens ici aujourd’hui en face de tant de distingués invités pour ces célébrations du cinquième anniversaire du Conseil européen de la recherche.

En premier lieu, je voudrais souhaiter la bienvenue aux membres fondateurs de l’ex-Conseil scientifique de l’ERC et je tiens particulièrement à accueillir chaleureusement mon prédécesseur au poste de président de l’ERC, Fotis Kafatos, auquel j’ai eu l’honneur de succéder au mois de mars 2010.

Au cours de cet événement, nous entendrons parler de la genèse de l’ERC et de ses réalisations. Nous allons discuter du rôle de l’excellence dans le paysage scientifique mondial. Et surtout, nous allons entendre quelques-uns des scientifiques de talent et d’inspiration que l’ERC a été en mesure de soutenir.


1.
L’ERC a indéniablement fait preuve de son succès dans un délai très court. Mais ce que je veux souligner aujourd’hui, plus que les réalisations passées, est la vision qui continue à nous guider vers l’avenir. Nous ne sommes qu’au début de quelque chose de beaucoup plus grand et je voudrais montrer que l’ERC peut, et nous espérons, pourra aller encore beaucoup plus loin.

Permettez-moi, cependant, un bref regard en arrière.

Le Conseil scientifique de l’ERC s’est réuni pour la première fois en octobre 2005. Le 27 février 2007, l’ERC a été officiellement inauguré sous la présidence allemande de l’UE à Berlin avec les discours d’encouragement de la chancelière Merkel et, entre autres, de M. Elia Zerhouni président de la NIH (National Institutes of Health)... J’ose dire qu’aucun d’entre nous n’avait imaginé alors combien des objectifs énoncés par nos sympathisants allaient être atteints.

Vous découvrirez les étapes qui ont marquées la route du succès - et quelques-uns des plus redoutables obstacles que nous avons rencontrés - par l’intermédiaire de ceux qui se sont profondément impliqués : Ernst-Ludwig Winnacker et William Cannell, un duo impressionnant sur le plan scientifique et administratif, et plus tard, Jack Metthey qui était un excellent pilote quand la situation empirait.

De mon point de vue, il y avait trois conditions préalables qui ont convergées fortuitement au bon moment et dans le bon sens, pour permettre à l’ERC de décoller pour un si bon départ.

Tout d’abord, sur le plan politique : l’ERC a comblé un vide politique au niveau de l’UE pour ce que nous appelons la «recherche exploratoire». Sa reconnaissance est venue à un moment critique où il était clair que la recherche fondamentale dans les universités européennes n’était pas assez performante, en raison du manque de financement et parce qu’elle était en dessous de la masse critique ou pour ces deux raisons, afin de devenir compétitive dans un paysage scientifique qui évolue rapidement au niveau mondial. Le monde de l’industrie et des affaires s’est tourné vers la connaissance, le savoir-faire et les meilleurs diplômés formés dont ils avaient besoin où qu’ils soient dans le monde et de nouveaux acteurs importants ont commencé à s’imposer rapidement dans la production de nouvelles connaissances.

Deuxièmement, sur le plan scientifique : le changement radical de politique de financement de la recherche fondamentale au niveau des États membres en vue de financer la recherche exploratoire au niveau de l’UE ne pouvait réussir qu’en mettant en place une véritable concurrence internationale et en focalisant les efforts sur les chercheurs les plus brillants et les plus talentueux. Nous finançons généreusement et sur le long terme nos principaux chercheurs pour qu’ils puissent mettre en place leurs propres équipes et nous veillons ainsi à ce qu’ils disposent d’une réelle indépendance. Nous ne fixons pas de priorités thématiques. Et nous interprétons les sciences sociales et humaines dans la tradition du terme allemand du 19ème siècle de «Wissenschaft».

Scientifiquement parlant, la seule façon de trouver et de financer les meilleurs chercheurs était fondée sur le principe de " l’excellence seule".

Troisièmement, sur le plan culturel : il s’agissait de construire une véritable culture scientifique européenne d’excellence. La culture, comme les idées, ne doit pas être contenue. Elle se propage très loin, par émulation. Elle se transforme de manière inattendue. Ainsi, l’ERC invente de nouvelles règles en matière d’évaluation. Les gains de réputation associés à une subvention ERC ont introduit la concurrence entre les universités européennes et initié des changements internes. Une culture scientifique européenne d’excellence inspire de jeunes chercheurs talentueux à contourner les hiérarchies universitaires et à revendiquer un avenir en Europe.

Ainsi, avoir sut saisir une opportunité politique unique, l’avoir transformée en une stratégie scientifique solide et ensuite l’avoir liée à une vision culturelle au-delà des nécessités immédiates de lancer un nouveau programme, ont été les trois facteurs les plus importants de la réussite.

Comme toujours, les gens sont très importants et nous avons eu beaucoup de chance de recevoir le soutien de nombreuses personnes aux moments cruciaux : de l’intérieur de la Commission et de l’extérieur, de la part des États membres et du Parlement européen, de la communauté scientifique et des médias dans toute l’Europe. Merci à vous tous.

2.
Le financement de la recherche exploratoire fondée sur l’excellence comporte en soi des tensions. Ce n’est pas unique à l’ERC. Il y a toujours eu une tension inhérente entre les exigences des décideurs en faveur de l’innovation pratique, considérée comme le moteur incontesté de la productivité et de la croissance économique, et l’intérêt profondément enraciné chez les scientifiques pour la recherche fondamentale.

Les attentes mutuelles et les politiques prévisionnelles façonnent les demandes légitimes des deux côtés. La tension monte en temps de crise économique et face à des défis sans précédent de la société et une concurrence accrue pour les ressources mondiales.

Que faire pour réduire cette tension ?

Une solution consiste à cibler les ressources, à planifier, afin de coordonner. Pour organiser des comités et des groupes d’experts à haut niveau. Pour se tourner vers les secteurs stratégiques. Pour inciter la science à travailler sur les problèmes les plus pressants. Tout semble si facile, si évident.

Mais la science de pointe ne fonctionne pas comme ça. Nous ne pouvons pas programmer les percées scientifiques ou les commander à la carte.

Nous ne savons tout simplement pas ce que nous ne savons pas. Nous ne pouvons pas prévoir les conséquences de ce que nous découvrons. Essayer de comprendre le monde physique et nous même nous donne le pouvoir d’intervenir et de le transformer. Nous sommes ainsi confrontés au fait que ces mondes avec tous leurs problèmes sont en grande partie de notre propre fabrication, et que nous avons quelques moyens pour y faire face.

Ceci était déjà connu de Francis Bacon et de tous les grands penseurs de l’Europe des Lumières. Il était évident pour eux que seule une étude persistante et systématique du monde inconnu naturel et humain contribuerait à améliorer la condition humaine.

Pour les membres de la Royal Society au 17ème siècle, il était évident que les découvertes scientifiques de phénomènes ésotériques tels que le magnétisme, l’optique, la gravitation universelle et le mouvement des corps célestes mèneraient à des applications pratiques dans le domaine des instruments comme les montres et les moteurs, indispensables au développement du commerce sur la terre et à travers les océans.

Aujourd’hui, nous avons des preuves irréfutables et de nombreux exemples issus de l’histoire de la science moderne et des technologies que la poursuite sans entrave de nouvelles connaissances conduit à des résultats bénéfiques pour le bien public et privé. Je regrette que, faute de temps, je ne puisse même pas commencer à en énumérer quelques-uns.

En 1939, Abraham Flexner a écrit un manifeste célèbre ayant pour titre "L’utilité de la connaissance inutile". Il s’agissait de l’ébauche du projet IAS de Princeton, devenu plus tard la maison d’Einstein, de Gödel et de beaucoup d’autres.

Aujourd’hui, nous sommes entourés d’innombrables applications, notamment dans les appareils électroniques qui ont radicalement modifié la façon d’accéder, de traiter et de produire de l’information à travers le cyberespace et nous permettant d’interagir avec les gens partout dans le monde entier.

Personne n’a rien demandé. Pourtant ces technologies répondent aux besoins humains les plus profonds. Elles ont permis la création de sociétés de plusieurs milliards d’euro à partir de rien. Elles ont changé la façon dont nous travaillons pour toujours, et nous commençons seulement à voir les effets de ces technologies. Il y a beaucoup plus à venir, comme David Deutsch l’a récemment démontré dans son livre "The Beginning of Infinity".

Mais derrière les applications "prolongement de la main », les iPhone et iPad, le GPS et de nombreuses autres technologies, y compris les moyens qui ont transformé les maladies autrefois fatales en maladies chroniques - derrière tous ces transformations étonnantes de notre mode de vie et de notre espérance de vie - il y a la recherche exploratoire.

Toutes les innovations radicales, les percées scientifiques et technologiques radicales qui mènent à un changement de paradigme dans la façon dont nos sociétés et leur économie fonctionnent, sont sans exception fondées sur la science.

L’innovation incrémentale continue de jouer un rôle important pour accroître l’efficacité, la productivité et le bien-être. Mais n’oublions pas : si nous avions continué à améliorer la chandelle, nous n’aurions jamais obtenu de l’électricité. Et continuer à améliorer l’électricité n’aurait très probablement pas conduit au premier laser construit en 1960. Theodore Maiman, le physicien et ingénieur américain, se plaisait à dire qu’il n’avait aucune idée de ce qu’il pourrait bien en faire quand il a appelé un laser "une solution cherchant un problème".

Par conséquent, notre message aux décideurs politiques est fort et clair :
n’hésitez pas à nous faire confiance quand nous parlons de l’utilité de la connaissance inutile.

Car derrière son apparente inutilité se cache la ruse de la Raison : ce qu’on pourra faire à partir des idées est encore à définir. Elles doivent émerger sous forme matérielle ou immatérielle. Elles doivent s’intégrer aux systèmes déjà existants, aux structures et aux pratiques ou se tailler elles-mêmes un nouvel espace à occuper.

Nous savons que cela prend en moyenne 15 ans ou plus pour qu’une idée fasse son chemin sur le marché. Le processus de transfert prend du temps. L’utilité doit d’abord trouver ses utilisateurs et ses utilisations. Cela implique la mise en œuvre de nombreux processus et des négociations avec les différents acteurs sociaux qui prennent du temps à converger. Cela nécessite des investisseurs en capital-risque et un environnement réglementaire propice à guider les nombreux innovateurs à travers les difficultés si familières à tous.

Pour transformer une découverte ou une invention en innovation utile, il faut donc une perspective sur le long terme. Il n’existe certes pas de raccourcis, mais cela ne devrait pas nous empêcher de tenter de réduire les délais.

Mais il est également évident que sans idées moteur le flux de l’innovation va se tarir. Sans investissement dans la recherche fondamentale, il n’y aura pas de transfert, pas d’utilisation, pas d’innovation et aucune connaissance à appliquer.

 

3.
Toutefois, toutes les preuves accumulées et les arguments pour résoudre la tension inhérente entre les décideurs et les scientifiques ne suffiront pas si on ne tient pas en compte d’une autre étape cruciale : il faut s’assurer que le bon environnement est là pour encourager les idées fertiles et s’en servir à des fins bénéfiques.

Nous avons besoin de créer des environnements créatifs.

De toute évidence, cela ne peut être fait par l’ERC ou tout autre organisme de financement seul. L’objectif ne peut être atteint qu’en travaillant ensemble et l’Espace européen de la recherche en fournit le cadre. Le défi est énorme, mais l’Europe peut le relever, l’Europe en a besoin.

Et l’Europe a une responsabilité, à la fois envers la prochaine génération de ses jeunes chercheurs et envers ses citoyens. En fin de compte, la science fait partie de la société et la société fait écho à la science.

Sans aucun doute, certains de ces environnements créatifs existent déjà. Nous pouvons les nommer. Si 50% de toutes les bourses ERC vont à 50 institutions à travers l’Europe, il est évident qu’elles sont extrêmement attrayantes pour quelques-uns des meilleurs chercheurs.

Mais qu’en est-il des 430 autres institutions ? Comment faire pour créer des environnements créatifs chez certaines d’entre elles ? (Remarque : l’une des raisons qui explique l’avantage des universités américaines dans le domaine de la recherche est la concentration des financements de la recherche dans moins d’un dixième des institutions diplômantes).

Tenter d’imiter les institutions les plus réussies ne nous mènera pas très loin. L’effet de sentier (Path dependency) est fort non seulement pour les innovations technologiques, mais aussi pour les institutions.

Évidemment, chaque environnement créatif doit répondre à certaines exigences minimales : il doit être suffisamment financé, fournir une infrastructure de recherche attrayante et une atmosphère conviviale. Il a une structure de gouvernance horizontale, sans hiérarchie, et une véritable ouverture à l’international.

Pourtant, en science comme dans la vie, la variation et la sélection sont des forces motrices importantes dans la dynamique de l’évolution. Sans variété, nous serions tous dans le courant dominant (et comme dit le proverbe chinois, seuls les poissons morts nagent dans le courant dominant). Par conséquent, il faut faire de la place pour encourager la variété et laisser des niches spéciales pour permettre à la créativité de surgir dans des endroits inattendus.

Aujourd’hui, un environnement créatif fait partie d’un grand éco-système d’innovation scientifique et technologique.

L’objectif principal d’un environnement créatif est de favoriser la perméabilité : entre et à travers les disciplines, entre et à travers les institutions, entre des personnes ayant une expérience, des compétences et des connaissances différentes. Il possède un potentiel et l’ambition de devenir un terrain fertile pour de nouvelles idées, mais aussi pour prendre de nouvelles idées et les développer pour d’autres usages.

Je me plais à penser que l’Europe dans son ensemble, cette "pagaille" à la fois complexe mais fertile qu’est l’Europe aujourd’hui, peut être transformée en un environnement créatif. Paradoxalement, elle a besoin de plus de perméabilité à l’intérieur si elle veut devenir un ensemble plus fort vis-à-vis du monde extérieur.

Je viens de rentrer d’un voyage en Asie et en Nouvelle-Zélande. L’image de l’Europe, tel que rapportée dans les médias et parmi mes interlocuteurs plutôt bien informés, est lamentable. L’Europe est considérée comme relevant de l’exception au milieu d’une crise économique qui est inévitablement aussi une crise politique. Vu de l’extérieur, l’Europe ne semble pas avoir beaucoup d’avenir.

J’ai rassuré mes interlocuteurs en leur disant que l’Europe a la volonté politique et la clairvoyance d’investir dans la recherche et l’éducation, en particulier en temps de crise. Je les ai informés de la stratégie défendue par l’ERC afin de se développer sur le plan international en invitant les meilleurs et les plus brillants chercheurs des pays ne faisant pas partie de l’Espace Européen de la Recherche (EER) à venir voir par eux-mêmes et à travailler en Europe.

J’ai souligné que l’Europe s’est dotée d’un programme précis et que la création d’environnements novateurs s’inscrit dans le cadre de celui-ci.

La science est un bien public et collectif. En économie, un bien public est un bien non-rival et non-exclusif, ce qui signifie qu’il ne soustrait pas, mais ajoute par le partage. Le savoir public ne peut pas être confiné ni isolé. Les idées se répandent et se diffusent de toutes les manières possibles et dans toutes les directions.

Pour l’innovation, cela signifie que la rivière des nouvelles connaissances et des idées ne connaît pas sa source. Des investissements à un niveau donné ne peuvent pas nécessairement produire des rendements au même niveau. C’est pourquoi il est important de cultiver la capacité de reconnaître, d’absorber et d’utiliser de nouvelles idées, indépendamment du lieu où elles ont été initialement produites.

Avec ses 2500bénéficiaires financés à ce jour et leur nombre croissant, l’ERC est en train de générer une quantité impressionnante de nouvelles découvertes, de connaissances et d’idées. Ce qui prouve ce qui peut être réalisé si on considère l’Europe dans son ensemble.

Les bénéficiaires d’ERC sont nos meilleurs ambassadeurs. En les écoutant, vous découvrirez rapidement que peut importe d’où ils viennent ni où ils sont actuellement, ce qui compte c’est qui ils sont et ce qu’ils ont à dire.

Autrefois, je considérais l’innovation comme un pari sur notre avenir collectif. Elle chevauche ses propres vagues de destruction créatrice, mais nous devons faire en sorte que l’aspect créatif prévaut pour le bénéfice des citoyens européens.

Le siècle des Lumières européen et ce que l’historien économiste Joel Mokyr appelle le Siècle des Lumières industrielles, étaient fondés sur une vision audacieuse et la conviction que seule une enquête systématique sur le monde naturel et humain pourrait servir de base à l’amélioration de la condition humaine. Alors comme maintenant, le courage est nécessaire pour soutenir cette croyance fondamentale, car les résultats ne viennent pas toujours aussi rapidement que nous le désirons.

Donc, mon espoir le plus sincère est que l’on donnera à l’ERC suffisamment de temps et le soutien nécessaire pour jouer son rôle dans l’accomplissement de ces ambitions. Et j’espère que vous comprenez que cette ambition ne concerne pas seulement nos bénéficiaires. Ni leurs établissements.
Mais tout le monde.
Merci.

 

 

 

 

Distinguished guests, Ladies and Gentlemen, Colleagues,

0.
It is a great pleasure to be able to stand here today in front of so many distinguished guests at the fifth anniversary celebrations of the European Research Council.

In particular, I would like to welcome in our midst the former founding members of the ERC Scientific Council and extend an especially warm welcome to my predecessor as ERC President, Fotis Kafatos, whom I had the honour to succeed in March 2010.

Over the course of this event we will hear more about the genesis of the ERC and its achievements. We will discuss the role of excellence in the global scientific landscape. And most importantly, we will hear from some of the talented and inspirational scientists who the ERC has been able to support so far.


1.
The ERC has undeniably become a success story within a very short period of time. But what I want to emphasize today, more than the past achievements, is the vision that continues to guide us towards the future. We are only at the start of something much bigger and I will attempt to outline that the ERC can, and hopefully will, still go much further.

Permit me, however, a brief glance back.

The ERC’s Scientific Council met first in October 2005. On 27 February 2007 the ERC was officially inaugurated under the German EU presidency in Berlin with encouraging speeches by Chancellor Merkel and, among other, Elias Zerhouni as President of NIH. I dare say that none of us imagined then how many of the objectives articulated by our well-wishers have been attained since.

You will hear more about the road to success - and about some of the formidable roadblocks we encountered - by those deeply involved: Ernst-Ludwig Winnacker and William Cannell, an impressive duo on the scientific and administrative front, and later Jack Metthey who was an excellent pilot when the going got rough.

In my view there were three preconditions which fortuitously converged at the right time and in the right way to enable the ERC to take off to such a good start.

First, the political: the ERC filled a policy void at EU level for what we call „frontier research". Its recognition came at a critical moment when it was clear that basic research at European universities was underperforming, due to underfunding, being below critical mass or both, in order to compete in a rapidly changing global scientific landscape. Industry and business would turn to the knowledge, know-how and the best trained graduates they needed wherever they were around the globe and major new players started to move rapidly ahead in the production of new knowledge.

Second, the scientific: the radical policy shift from funding basic research at the level of Member States towards funding frontier research at EU level could only succeed by setting up a genuine international competition with an exclusive focus on the brightest and most talented individual researchers. We give generous, long-term funding to our Principal Investigators to set up their own teams and ensure that they have the independence to use it themselves. We do not set any thematic priorities. And we include the social sciences and humanities in the tradition of the 19th century German term of „Wissenschaft".

Scientifically speaking, the only way to find and fund the best researchers was on the principle of „excellence only".

Third, the cultural: to build a genuine European scientific culture of excellence. Culture, like ideas, is not to be contained. It spreads to far away places. It is emulated. It transforms in unexpected ways. Thus, the ERC is setting new standards in evaluation. The reputational gains that come with an ERC grant have introduced competition between European universities and initiated changes within. A European scientific culture of excellence inspires young and talented researchers to circumvent academic hierarchies and to insist that they have a future in Europe.

Thus, seizing a unique political opportunity, transforming it into a robust scientific strategy and linking it with a cultural vision beyond the immediate necessities of running a new programme, were the three most important ingredients for success.

As always, people matter and we were extremely fortunate to receive support from many individuals in crucial moments: from inside the Commission and from outside, from Member States and from the European Parliament, from the scientific community and from the media all over Europe. Thank you all.

2.
Funding frontier research based on ‚excellence only’ comes with an in-built tension. This is not unique to the ERC. There has always been an inherent tension between the demands of policy-makers for practical innovation, seen as the undisputed motor of productivity and economic growth, and the deeply-rooted interests of scientists in curiosity-driven research.

Mutual expectations and the politics of anticipations shape legitimate demands on both sides. The tension is heightened in times of economic crisis and when facing unprecedented societal challenges and increasing competition for global resources.

How to resolve this tension?

One answer is to target resources. To plan. To coordinate. To organise committees and high level expert groups. To look to strategic sectors. To put science to work on the most pressing problems. It all looks so easy, so obvious.

But frontier science does not work like this. We cannot programme scientific breakthroughs or order them as if from a menu.

We simply do not know what we do not know. We cannot foresee the consequences of what we discover. Trying to understand the physical world and ourselves gives us the power to intervene and to transform it. It confronts us with the fact that these worlds with all their problems are largely of our own making. And that we have some means to tackle them.

This was already known to Francis Bacon and to all of the great thinkers of the European Enlightenment. They insisted that only the persistent and systematic inquiry of the unknown natural and human world would lead to human betterment.

For the members of the Royal Society in the 17th century it was obvious that scientific discoveries of such esoteric phenomena as magnetism, optics, universal gravitation and the motion of heavenly bodies would lead to practical use in instrumentation in watches and engines, indispensible for carrying out trade on land and across the oceans.

Today, we have incontrovertible evidence and numerous examples from the history of modern science and technology that the unfettered pursuit of new knowledge leads to beneficial outcomes for the public and private good. I regret that for lack of time I cannot even start to enumerate some of them.

In 1939, Abraham Flexner wrote a famous manifesto with the title „The usefulness of useless knowledge". It was the blueprint for establishing the IAS in Princeton, later home to Einstein, Gödel and many others.

Today, we are surrounded with countless applications, found in electronic devices that have radically altered the way we access, process and produce information, pass through cyberspace and interact with people anywhere around the globe.

Nobody asked for this. But these technologies meet deep human needs. They have seen the creation of multi-billion euro companies from nothing. They have changed the way we work forever. And we are only beginning to see the effects of these technologies. There is much more to come, as David Deutsch recently argued in his book „The Beginning of Infinity".

But behind the hand-held apps, the iphones and ipads, the GPS and many other technologies, including ways how once fatal diseases have been transformed into chronical illness - behind all these amazing transformations of the way we live and how long we live - is frontier research.

All radical innovations, the radical scientific and technological breakthroughs that lead to a paradigm change in the way our societies and their economy function, are without exception science-based.

Incremental innovation continues to play an important part in increasing efficiency, productivity and well-being. But let us not forget: had we continued to improve candle-light, we never would have gotten electricity. And to continue to improve electricity most probably would not have led to the first laser built in 1960. Theodore Maiman, the American physicist and engineer, happily admitted that he had no idea what it might be useful for when he called a laser "a solution seeking a problem".

Therefore, our message to policy-makers is loud and clear:
Do trust us when we speak of the usefulness of useless knowledge.

For behind its apparent uselessness is the cunning of Reason: the uses to which ideas are to be put, have yet to emerge. They have to find a specific material or immaterial form. They must become embedded in already existing systems, structures and practices or carve out for themselves a new space to occupy.

We know that it takes on average 15 years or more to move an idea to market. The process of translation takes time. Usefulness has first to find its users and its uses. It involves many social processes and negotiations with different social actors that take time to converge. It needs venture capital and a conducive regulatory environment to guide the many, risky steps so familiar to every innovator.

To transform a discovery or invention into a useful innovation therefore requires a long-term perspective. No short-cuts exist, which should not prevent us from attempting to shorten the time lag.

But it is also patently clear: without lead ideas in the pipeline, the flow of innovation will dry up. Without investment into basic research, there will be no translation, no use, no innovation and no knowledge to be applied.

3.
But all accumulated evidence and arguments for resolving the inherent tension between policy-makers and scientists will not suffice if they fail to take one more, crucial step into account: to make sure that the right kind of environment is there to take up fertile ideas and put them to beneficial use.

We need to create creative environments.

Obviously, this cannot be done by the ERC or any other funding agency alone. It can only be achieved by working together and the European Research Area provides the framework. The challenge is enormous. But Europe is capable of it. Europe needs to do it.

And Europe has a responsibility, both towards the next generation of its younger researchers and towards its citizens. In the end, science is part of society and society speaks back to science.

Undoubtedly, some of these creative environments already exist. We can name them. If 50 % of all ERC grants go to 50 institutions across Europe, it is obvious that they are extremely attractive to some of the best researchers.

But what about the other 430 institutions? How to create creative environments among some of them? (Note: one of the reasons for the research advantage of US universities is the concentration of research funding on less than one-tenth of degree-giving institutions).

Attempting to imitate the most successful institutions will not lead very far. Path dependency is strong not only for technological innovations, but also for institutions.

Obviously, every creative environment has to meet some minimal requirements: it must be sufficiently financed, provide an attractive research infrastructure and a congenial atmosphere. It has a governance structure with flat hierarchies and a genuine, international openness.

But in science as in life, variation and selection are important driving forces in the dynamics of evolution. Without variety, we would all end up in the mainstream (and as a Chinese proverb says, only dead fish swim in the mainstream). Therefore, room must be given to encourage variety and special niches for creativity to spring up in unexpected places.

Today, a creative environment is part of a larger scientific and technological innovation eco-system.

What a creative environment does above all is to foster permeability: between and across disciplines, between and across institutions, and between people with different experience, skills and knowledge. It has the potential and the ambition to become a breeding ground for new ideas and to take new ideas and develop them further for use.

I would like to think that Europe as a whole, this complex, yet fertile „mess" that Europe is today, can be turned into a creative environment. Paradoxically, it needs more permeability inside if it is to become a stronger whole in the outside world.

I just returned from a trip to Asia and New Zealand. The image of Europe, as reported in the media and among my otherwise well-informed interlocutors, is dismal. Europe is seen as falling apart in the midst of an economic crisis that inevitably is also a political crisis. Seen from the outside, Europe does not appear to have much of a future.

I reassured my discussion partners that Europe has the political will and farsightedness to invest in research and education, especially in times of crisis. I informed them about the ERC strategy of going global by inviting the best and brightest from non-ERA countries to see for themselves and come to work in Europe.

I emphasized that Europe has a positive agenda and that creating creative environments is part of it.

Science is a public and collective good. In economics, a public good is a non-rival and non-exclusionary good, meaning it does not subtract but add by sharing. Public knowledge cannot be contained and isolated. Ideas percolate and diffuse in all possible ways and directions.

For innovation this means that the river of new knowledge and ideas does not know its source. Investment at one level cannot necessarily be allocated to returns at the same level. This is why it is important to cultivate the capacity to recognize, absorb and utilize new ideas, regardless of where they were originally produced.

With its 2,500 grantees funded to date and rising numbers, the ERC is generating an impressive amount of new discoveries, knowledge and ideas. It has set an example of how it can be done - for Europe as a whole.

ERC grantees are our best ambassadors. Listening to them, you will quickly discover that it does not matter where they come from or where they are now, but who they are and what they have to say.

I once called innovation a bet on our collective future. It rides its own waves of creative destruction, but we must make sure that the creative aspect prevails for the benefit of European citizens.

The European Enlightenment and what economic historian Joel Mokyr calls the Industrial Enlightenment, were premised on a bold vision and the belief that only a systematic inquiry into the natural and human world would provide the basis for the betterment of the human condition. Then as now, courage was needed to sustain this core belief, as results do not always come as rapidly as we wish for.

So my sincere hope is that the ERC will be given time and the support necessary to play its part in fulfilling these ambitions. And I hope that you understand that this ambition is not just for our grantees. Nor for the institutions where they are based.

But for all of us.
Thank you.