Conférence de Jean-Pierre Dupuy
30 mai 2017
Conférence

Conférence de Jean-Pierre Dupuy

Mardi 30 mai 2017, à 18h , entrée libre et gratuite

IEA de Nantes, Amphithéâtre Simone Weil

L’indétermination, forme radicale de l’incertain. Le cas de la dissuasion nucléaire

Conférence de Jean-Pierre Dupuy,Professeur au Département de Littératures, Cultures et Langues de l’Université de Stanford. 

En 1921 l’économiste américain Frank Knight introduisit à propos de l’appréhension rationnelle de l’avenir le concept d’incertitude radicale en distinguant entre le risque, appréhendable en termes de probabilités, et l’incertain, irréductible au calcul des chances. Keynes reprit cette distinction en 1936 dans sa Théorie, mais ce fut la fin de son histoire. Après la seconde guerre mondiale le concept de probabilité subjective de Leonard Savage et le bayésanisme allaient tout emporter, les économistes et autres décideurs ne pouvant se satisfaire d’une idée aussi fumeuse que celle d’incertitude radicale.

On tentera de donner forme et substance à cette idée en recourant au concept d’indétermination au sens où le physicien quantique Werner Heisenberg l’a formalisé avec son principe d’Unbestimmtheit, qu’il ne faut pas traduire par « principe d’incertitude » mais bien « principe d’indétermination. » Le probable repose sur la disjonction entre futurs possibles – il y aura demain une bataille navale ou il n’y en aura pas -, l’indéterminé doit se penser en termes de superposition entre états contraires : le malheureux chat de Schrödinger est à la fois mort et vivant tant qu’on n’a pas observé son état.

L’essentiel de l’exposé consistera à illustrer cette idée par l’exemple de ce qu’on a appelé, en multipliant faute de mieux les oxymores, la « guerre froide » ou la « paix nucléaire », et en tentant d’éclairer le paradoxe central de la dissuasion nucléaire : comment expliquer que pendant plus de quarante ans deux superpuissances se soient constamment menacées mutuellement d’anéantissement nucléaire sans que celui-ci ne se produise.