23 février 2010
Publication

"Architecturer l’invisible. Autels, ligatures, écritures"

Sous la direction de Michel Cartry, Jean-Louis Durand et Rennée Koch Piettre (aux éditions Brepols, 2010)

Des ethnologues, des hellénistes, un assyriologue, une médiéviste, conscients du risque d’ethnocentrisme que fait peser l’utilisation de la catégorie de la "présence" dans le champ du religieux, ont cependant placé cette abstraction au centre de leurs travaux : ils ont fait de la "présence" un dénominateur commun dans un large spectre de catégories comparatives que l’on a coutume d’étudier séparement, comme la divination, le sacrifice, la possession. La simple approche concrète de ce que l’on pourrait appeler "autels" dans les cultures particulières, a démontré que cet artefact rituel pouvait se réaliser indépendamment de toute procédure spécifique d’aménagement ou de construction, mais plus directement dans la gestuelle de présentation de l’offrande, animée ou inanimée ; et l’instance pouvait elle-même se réaliser sous la forme d’un autel. Simultanément, des corrélations nouvelles, rarement repérées, ont pu émerger entre des composantes du rite, faisant apparaître, ici une articulation étroite entre parole, écriture et ligature, là la récurrence de "bouches" pour faire taire, ingérer, proférer, révéler, maudire, ailleurs encore la grammaire complexe et les gestes à suivre pour les formes variées du dépôt. Les contributions se distribuent entre trois verbes d’actions : ouvrir, parce que toute instauration et toute "reprise" d’un culte requièrent l’invention et la mise en place d’un commencement ; oeuvrer, parce que le rite fait feu de tout bois dans les manipulations qui, par métaphore ou par métonymie, construisent des lieux de mise en présence des acteurs et des instances ; écrire, parce qu’en toute performance rituelle, y compris dans les sociétés réputées sans écriture, surgissent un temps d’inscription et un temps de déchiffrement du signe, sur un support rendu efficace tant par ses qualités propres que par cette inscription même.

Michel Cartry, ethnologue de l’Afrique Noire (Ecole Pratique des Hautes Etudes), a été membre du Conseil Scientifique de l’IEA de Nantes, Jean-Louis Durand, helléniste et anthropologue (CNRS, Centre Louis Gernet), Renée Koch Piettre, helléniste et comparatiste (Ecole Pratique des Hautes Etudes), animent ensemble à Paris un groupe de travail sur les pratiques des polythéismes, en s’inspirant des travaux de Marcel Detienne. Leurs travaux croisés ont exploré des aires sacrificielles, avant de s’orienter vers la question de la "présence" des puissances de l’au-delà.