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Dans le temps comme dans l’espace, il est bien des façons de concevoir les actions que l’homme exerce sur son écoumène en vue d’assurer son mode d’existence et de leur ordonner des fins et des valeurs différenciées. En Grèce antique, la culture céréalière était un « don » des dieux fait aux hommes et le geste du labour une « prière » à eux adressée ; en nombres de régions d’Afrique, faire germer la graine engage un processus analogue à celui de la parturition; ailleurs, en Océanie, cultiver les jardins se conçoit sur le mode de l’extinction d’une double dette entre l’homme et la terre ; ailleurs encore (Amazonie), sur celui d’une relation de parenté entre des êtres au corps humain et d’autres au corps végétal. Replacées dans cet ensemble, les configurations propres au système de pensée moderne, avec sa conception du travail de la terre sous le signe de « l’exploitation » (et ses inévitables compagnons, le rendement et la productivité), ses régimes de propriété et les fictions qui les portent (permettant de faire comme si la terre, le végétal, l’animal, voire à terme l’ensemble du vivant, étaient des « biens marchands »), apparaissent dans toute leur singularité.
En chacune des sociétés traditionnelles, il est aisé de le démontrer, les conceptions liées au travail de la terre ne sont pas séparables de la façon dont les hommes en ces sociétés habitent et pensent leur monde. Il en va de même pour les sociétés modernes occidentales. Soutenu par le rêve cartésien d’un homme rendu, par la grâce de la science et de la technique, comme si il était le maître de la nature (selon l’antique injonction biblique, délestée de sa contrepartie originelle de responsabilité), le travail de la terre est profondément pensé et vécu comme un moyen qui s’exerce contre la nature, en vue d’une seule fin, celle de « faire surgir » (pro-ducere) de la richesse. Il revient à l’école française de Physiocratie (ses membres revendiquaient le nom d’Économistes) d’avoir formulé pour la première fois l’idée que la terre est facteur de la seule « vraie » richesse, à la différence de celle, jugée factice, produite par le commerce, car, selon eux, seule la terre a ce pouvoir merveilleux de faire se multiplier la graine. Cette posture de l’homme moderne, qui s’est diffusée hors de l’Occident dans les pas de la colonisation du « reste du monde » par la civilisation industrielle, conduit à une impasse prévisible de longue date (elle avait été repérée par quelques esprits vigiles dès les débuts de l’industrialisation) : celle de l’exténuation du vivant (épuisement des sols, extinction des espèces, empoisonnement des eaux et de l’air) avec ses effets délétères (dérèglement climatique, pandémies) et, par conséquent, à terme, celle d’une forme jusqu’alors inédite d’un monde rendu inhabitable.
Le séminaire a pour objet d’aborder les modes de relations au travail et au sol, dans des sociétés d’ici et d’ailleurs, et le type de rapport au monde que ces relations tout à la fois induisent et traduisent. Cette thématique centrale sera monnayée en une série de questions sur les conceptions du travail de la terre, le statut de l’animal, les modes d’appropriation (de la terre et de ses fruits), le statut de la terre, mais aussi sur les modifications brutales de ces relations tant par l’essor du capitalisme industriel et son expansion hors de l’Occident que par l’acculturation juridique qui en est le corollaire.
Il réunit des chercheurs d’horizons disciplinaires variés (droit, histoire, économie, géographie, philosophie, ethnologie), dont les études portent sur différents pays et régions du monde (Inde, Chine, Mali, Burkina, Cameroun, Euro Amérique, Argentine).
PROGRAMME
Mardi 15 juin
14H00 Mot d’Accueil/Introduction
par Danouta Liberski et Sophie Salomon (AFD)
Session 1. Tour d’horizon
animée par Nicolas Chaignot-Delage
14H15 Penser et habiter un monde où le procès de réduction de la terre, de l’animal et du végétal en choses utilitaires est catégoriel et réversible. Exemples africains
Danouta Liberski
15H00 Synergie des trois Talents sous la conduite du Temps : le travail et la terre dans le monde chinois
Linxin He
16H00 Settler stories – European and indigenous symbols of land in Portuguese India
Rochelle Pinto (en visio-conférence)
16H45 Discussion
Mercredi 16 juin
Session 2. Questions très actuelles
animée par Nashieli Rangel Loera
9H15 La figure du jardin partagé
Joëlle Zask (en visio-conférence)
10H00 L’écologisation, une forme d’autocontrôle des pulsions d’agressivité ?
Stéphane Sachet
11H00 Investissements agro-fonciers et droits des personnes dans les États francophones d’Afrique noire
Pierre-Etienne Kenfack (en visio-conférence)
11H45 Le droit foncier et la propriété privée collective en Afrique de l’Ouest francophone. L’exemple du Mali
Alhousseini Diabaté et Sophie Salomon (en visio-conférence)
Session 3. Voies de résolution exploratoires
animée par Camila Perruso
14H15 Déambuler, circuler, cheminer. Une ligne de partage des droits
Sarah Vanuxem
15H00 Les nouvelles façons de se relier à la terre en Amérique du sud : entre le paradigme de l’écologisation de la propriété de la terre et paradigme des droits de la Terre/Mère
Gonzalo Sozzo (en visio-conférence)
16H00 Table ronde/Discussion
animée par Isabelle Bruno
INTERVENANTS